La nature de la physique de Richard Feynman
Après un certain nombre de romans, de bandes dessinées et de réflexions théologiques, la nature de la physique de Richard Feynman a attiré mon oeil, lorsque j’ai récemment parcouru la bibliothèque familiale à la recherche d’une nouvelle lecture. C’est pas évident, mais cela vaut vraiment le détour !
L’intérêt de cet ouvrage est double. Premièrement, son auteur est l’un des scientifiques les plus influents du XXè siècle, Richard Feynman (un coup d’oeil à sa biographie vaut le détour) : physicien, ayant été impliqué dans le projet Manhattan, a contribué au développement et à la formalisation de la physique quantique (qui s’intéresse à la matière aux échelles de l’infiniment petit). Au-delà de la compétence et de l’envergure scientifique, Feynman est également un personnage étonnant, drôle, pédagogue, atypique (voir sa fameuse video où il joue du bongo) : ces qualités se lisent tout à fait dans cet ouvrage, et lui donnent vie d’une manière originale ! Deuxièmement, si le sujet du livre peut paraître déroutant pour un public non scientifique, le lecteur trouve un certain réconfort dans le fait que le propos rapporté est en fait celui que le physicien a prononcé à l’occasion d’une série de conférences consacrées à la question de la nature de la physique, adressée alors à un public universitaire sans compétences scientifiques particulières.
Feynman passe en revue des concepts clés et généalogies d’idée qui ont conduit à la physique moderne, depuis la formulation de la gravitation jusqu’à l’étude des particules. Il prend à chaque fois son audience au sérieux et s’attaque à des idées très concrètes : lois de conservation, entropie, équation de la gravité… Certains passages sont assez costauds et à de nombreuses reprises il m’a fallu revenir sur le même paragraphe à plusieurs reprises avant d’arriver à m’en représenter un sens.
Plusieurs choses que je retiens de cette lecture. La première est ce que je ne retiens pas : je ne suis, un mois après, pas en mesure de restituer l’aspect le plus technique des explications lues. En revanche, j’en ressors avec le sentiment d’avoir un peu plus pris la mesure de ce que je ne connais ni ne comprend dans ce domaine de la science, c’est-à-dire quelque chose de certes frustrant d’un point de vue des connaissances, et tout à la fois salutaire en ce qui concerne la prise de conscience ! De toute façon, pas de grands enjeux de ce côté, Feynman l’annonce lui-même : toutes les images didactiques et métaphoriques, si bonnes soient elles, ont leur limite explicatives ; la seule bonne façon de se représenter les choses, c’est le langage mathématique. Ensuite, à l’issue de cette lecture, une idée continue de me travailler : l’enthousiasme de cet acteur important de son domaine et et sa volonté de transmettre un aperçu de son savoir fondent sa conviction que la science vaut la peine d’être transmise à un public dont ce n’est pas la vocation principale. La science permet d’établir un ensemble de connaissances du monde réel, dont il est nécessaire de savoir qu’il existe pour tout un tas d’aspect de notre vie en société.
Au final, ce court livre me fait penser à cette proposition d’Etienne Klein, entendue lors de la promotion de son Tract “le goût du vrai” : la science n’est pas démocratique (en ceci qu’elle ne peut être raisonnablement débattue qu’entre personnes compétentes) ; elle est en revanche républicaine (dans le sens où elle intéresse la vie en société et doit se mettre à la portée des questions de tous citoyens pour éclairer ses choix).