Carnets d’Orient de Jacques Ferrandez
Pendant le premier confinement, l’année dernière, nous avons sympathisé avec les voisins d’en face en nous rencontrant chaque soir aux applaudissements pour le personnel hospitalier. Rapidement, passion lecture aidant, nous faisons échange de nos coups de cœur. Ils nous prêtent notamment “Djemilah”, premier tome d’une série intitulée “Carnets d’Orient” de Jacques Ferrandez.
La série s’intéresse à l’Algérie française, depuis sa colonisation en 1830 jusqu’aux débuts de la guerre de 1954. Je dois dire que je n’avais pas accroché, trouvant l’histoire poussive et le thème peu intéressant. Et puis, allez savoir, la sagesse gagnée à la faveur de ces différents confinements sans doute, fortement aidée par ailleurs par la multiplication des recommandations pointant cette série comme un chef d’oeuvre du 9è art, je me suis offert la première partie de l’intégrale. Quelle claque agréable à recevoir sur sa joue de sceptique ! Carnets d’Orient est bel et bien un chef d’oeuvre. Graphique tout d’abord : c’est travaillé, riche, beau, chaleureux. La quatrième de couverture évoque une influence Delacroix qui est sensible dans certaines pages, où cases de BDs classiques côtoient aquarelles insérées librement. Narratif ensuite : les décennies s’enchaînent et mettent en scène au cours d’histoires – entretenant entre elles un lien distant mais finalement clé – la succession des générations de populations indigènes et colonisatrices, la complexité et la nuance des relations que tout ce beau monde entretient, la beauté et la violence d’une terre qui divise. L’auteur a commencé sa série voilà plus de 30 ans et on sent qu’il y a mis du cœur !
Et y’a même un podcast récent où il raconte sa saga et la suite qui vient de sortir, qui s’intéresse à la fin de la guerre, les accords d’Evian et aujourd’hui.