Célestin & Fannie, deux contes de la Pieuvre de…
En septembre dernier sortait Fannie la Renoueuse, quatrième tome des Contes de la Pieuvre, la série fantastique de Gess, s’intéressant aux pouvoirs surnaturels de personnages du Paris du XIXè siècle, pris, souvent malgré eux, dans les affaires et les conflits de la pègre parisienne, et notamment de son organisation la plus redoutée, la Pieuvre. L’occasion d’enchaîner la lecture des deux derniers tomes.
Célestin et le coeur de Vendrezanne et Fannie la Renoueuse sont donc les troisième et quatrième volumes de ces Contes de la Pieuvre. Célestin, serveur dans l’auberge de la Pieuvre, a un pouvoir : il perçoit les gens tels qu’ils sont à l’intérieur. Les gens qu’ils croisent ne sont donc pas à visage humain uniquement, mais peuvent prendre les traits de monstres et créatures. Il se garde bien de révéler son pouvoir, ne souhaitant pas attirer sur lui l’attention des mafieux qu’il côtoie de près. Seulement voilà, il va bien malgré lui se retrouver au bon milieu d’une affaire dont il se serait bien passé, et qui le conduira à croiser la route d’un esprit vengeur, qui a des comptes à régler avec la Pieuvre.
Fannie la Renoueuse a aussi un talent : elle parvient à entrer en contact intime avec la psyché des gens et à discuter avec leur personnalité profonde. Une empathique. Son pouvoir, elle souhaite l’utiliser pour faire le bien et c’est ainsi qu’elle assiste un professeur de médecine auprès du service de psychiatrie de l’Hôtel Dieu à Paris, jusqu’au jour où tout bascule, la Pieuvre ayant un besoin particulier pour lequel mettre son talent à profit.
Jusqu’au troisième tome, chaque Conte de la Pieuvre est une histoire indépendante. Fannie ressert la cohérence de la série, de ses personnages, de ses lieux, et, in fine, des enjeux. On y retrouve certains des personnages des précédents épisodes, et l’on comprend mieux le nœud qui se noue autour des protagonistes. Comme dans les autres tomes, on reste admiratif devant une véritable recherche visuelle pour rendre le surnaturel et la réalité tangible de chaque pouvoir. Cela donne de superbes cases, surtout pour Célestin et Fannie qui ont tous deux la particularités d’avoir des pouvoirs impliquant une relation aux autres.
Vraiment, quel excellent travail, tant sur l’écriture, littéraire, politique, historique, poétique par endroits – cf. les têtes de chapitres et les scènes au bord d’un ponton de la Seine dans Célestin -, que sur l’ambiance fantastique dans un Paris fin XIXè fouillé, crédible, cracra, socialement clivé, tout en nuances de gris quant aux situations et dilemmes posés. Le decorum général retranscrit à la fois une atmosphère d’époque, entre bas fonds et lumière de la haute, et participe à cette impression dérangeante d’omniprésente domination du crime et de la corruption. Cela rend d’autant plus intéressante nos héros et leur bravoure, eux qui naviguent dans ce milieu de la loi du plus fort.
J’avais déjà eu l’occasion d’évoquer ici cette série il y a quelques années. Les quatre volumes déjà parus confirment le niveau d’excellence de l’ensemble et l’on sent émerger une trame commune à ces différents parcours, entre tranche de vie et fantastique et crime, qui renforce l’impression d’œuvre, finement pensée et articulée. La suite s’annonce épique, Fannie laissant entrevoir certaines voies d’évolution de ce milieu parisien du crime, et l’on a hâte de découvrir la résolution de ces histoires à l’occasion d’un cinquième et ultime (si je comprends bien) tome.