Green Manor de Vehlmann et Bodart
Découverte totalement au hasard, en consultant, les uns après les autres, des commentaires d’utilisateurs laissés sur le site bedetheque, Green Manor est de ces pépites, dont on regrette ne pas en trouver davantage, en même temps que l’on admet leur nécessaire rareté pour rester pépite ! Pépite, donc.
Green Manor se présente comme une collection de courtes nouvelles, sous forme de bande dessinée de six ou sept planches, qui ont pour point commun de mettre en scène la haute société anglaise de la deuxième moitié du XIXè siècle dans un club privé londonien. Au cours des soirées de ce salon select, les hommes se réunissent pour, entre autres activités, deviser, avec un flegme tout britannique, de l’épineuse question de savoir si le crime parfait existe. Dans ces courts récits, les personnages évoquent des approches possibles de cette question – qui tuer ? de quelle manière ? peut-il exister un crime sans criminel ? – qui convoquent tour à tour les souvenirs de l’un de ces messieurs, donnent envie à d’autres de passer à l’action dans un souci de validation de leur démarche intellectuelle, de s’improviser détective, de raconter une légende urbaine qui laisse entrer un léger parfum de fantastique, voire même de laisser le crime se produire au sein du club, ni vu, ni connu !
C’est cruel, mordant, bien écrit, parfaitement mis en scène ! La rapidité de présentation puis de résolution des histoires imprime, avec ce ton décalé qui mime à merveille l’humour anglais, une joie de lecture, délicieusement coupable devant tant de bassesse rassemblée. Cerise sur le gâteau, l’édition intégrale, particulièrement soignée, sous forme de vieux carnet de notes, ajoute au plaisir de dégustation de l’œuvre. Le tout est servi par un dessin chaleureux, généreux de Denis Bodart, dont je ne connais pas le répertoire par ailleurs. Les personnages ont ce qu’il faut de caricatural, pour conférer à chacun une personnalité singulière. Placés dans les décors particulièrement soignés de cette Angleterre XIXè, les effets d’ombre et de lumière rendent bien l’ambiance des bâtisses, de jour, de nuit ; le cosy de ce club, où pourtant, la fourberie est partout.
Troisième œuvre de Fabien Vehlmann que je lis, après sa série fantastique en cours Seuls et sa Cuisine des Ogres, dont le premier tome paraissait cette année, sans nulle doute ma lecture préférée parmi les parution de cette année 2024, ce Green Manor confirme ce que disait cet utilisateur sur le site de bedetheque : quel immense talent de scénariste ! Cela donne envie d’explorer plus avant ses autres réalisations.