Nos mondes perdus de Marion Montaigne
Fête, joie : le nouveau Marion Montaigne est arrivé et cette dernière nous livre un volume généreux, drôle et richement documenté sur nos mondes disparus donc, une façon très personnelle et professionnelle également de se demander comment on a su que l’histoire de la vie sur Terre était tumultueuse (attention euphémisme), et quelles leçons d’humilité l’Humanité pouvait en tirer.
Disons le d’entrée : nos mondes perdus est un très bon livre, à la hauteur du très populaire dans la combi de Thomas Pesquet, précédent ouvrage de Marion Montaigne. On retrouve avec plaisir cette approche qui a fait tout le succès de la série des tu mourras moins bête : un trait faussement brouillon qui dessine des bouilles très expressives, un sens aigüe de la mise en scène du gag et une base documentaire solide pour proposer un volume à la fois divertissant et orienté culture scientifique.
Marion Montaigne nous prend par la main dans une amorce très personnelle d’une passion curieuse de plein de choses : les dinosaures, la science et plus précisément l’étude du vivant, le dessin, surtout quand il y a du sang et des trucs cracra. Tout ceci conduit à la question qui lance le récit : comment a-t-on su (on se croirait dans un volume de la collection d’Etienne Klein !) à quoi ressemblaient les dinosaures à partir des seuls os que l’on retrouvait d’eux ? Nos monde perdus est avant tout l’histoire de la paléontologie mais peut-être plus encore de la façon dont cette dernière est portée à la connaissance du grand public, de Buffon à Spielberg !
La narration est donc un croisement fascinant entre histoire des découvertes et progression de la connaissance scientifique dans ce domaine d’une part et efforts de représentations, entre imagination et mises en scène fantasques jusqu’aux approches méticuleuses, reposant sur l’étude des squelettes et des morphologies d’autre part. Rencontres, collaborations, batailles entre les chercheurs et les artistes.
On rit beaucoup, on voyage, on découvre une discipline et son histoire, sa nécessaire traduction dans les arts visuels et figuratifs car dès le début conçue comme matière à impressionner les foules. Mais pas que. L’étonnement, c’est celui de cette notion toute simple que nous, les humains, sommes bien peu de chose. Un constat peu évident à saisir pour notre époque et ses contemporains, dont le niveau de confort (en tout cas sous nos latitudes) et l’impression de contrôle technologique donnent accroire que l’Humanité est toute puissante, infaillible.
Or, il n’en est rien, nous dit Marion Montaigne : à peine plus de trois siècles après avoir compris que des animaux disparus avaient précédé les êtres aujourd’hui vivants à la surface de la Terre, l’Humanité peine à saisir les implications de cette observation pourtant évidente, i.e. elle aussi est vulnérable ! Et nous serions bien inspirés de muscler notre humilité en comprenant que rien n’indique à ce stade de l’Histoire (voir même, l’inverse) que nous pourrions collectivement survivre, notamment à des dérèglements climatiques et leurs conséquences environnementales désastreuses, là où ces espèces ont péri.
Il y a matière à tracer un lien avec le Grand récit de Jens Harder, mais en version humoristique tout de même ! Peut-être le volume qui à ce jour représente le mieux la devise du blog de Marion Montaigne qui l’a rendue populaire : tu mourras moins bête, mais tu mourras quand même !