Eléments de doctrine chrétienne du Père François Varillon
Que comporte l’affirmation de la foi de l’Eglise ? Pour beaucoup, ce que nous connaissons de la foi chrétienne tient d’un corpus d’éléments épars que contient la culture française, et qui trouve sa première manifestation dans le maintien d’un calendrier foncièrement organisé autour de traditions religieuses, mais dont le sens est souvent passé au second plan, voire même plus loin encore : tirer les Rois, manger les crêpes de la chandeleur, se déguiser au carnaval, se reposer les lundis de Pâque et de Pentecôte, faire le pont de l’Ascencion, marquer l’Assomption le 15 août, fêter Noël sont autant de signes, dans un pays dont l’Histoire a été façonnée par la religion chrétienne, d’un héritage incontournable.
Seulement voilà, l’héritage semble aujourd’hui s’estomper, ne plus présenter aucun intérêt, sinon marketing, au temps de la raison, de la science et du dépassement des fables mythiques pour les uns, se muer en revendication identitaire et politique d’un mouvement réactionnaire pour les autres. Par ailleurs, il est évident que l’actualité des affaires de pédophilie, qui interrogent des temps longs et impliquent des personnalités d’envergure, accuse gravement, tragiquement, et en même temps de façon nécessaire, les agissements de l’Eglise et son crédit au regard du projet qu’elle confesse. Enfin, la mondialisation fait se rencontrer paisiblement et souvent s’opposer violemment, des mondes religieux qui s’ignorent, ne se reconnaissent que difficilement, s’accordent ou se désaccordent sur fond d’intérêts géopolitiques. Cela met en lumière à la fois la diversité, voire la fragmentation, de la démarche spirituelle et la difficulté pour le spectateur médiatique de ces grands mouvements d’y voir une quelconque cohérence de vie : attentats, guerres, rejets sont en disharmonie avec un phénomène souvent résumé sous l’expression “religions d’amour”. Il est où est l’Amour quand on viole, qu’on bombarde, qu’on tue au nom de Dieu ?
Mais, comme en de nombreux domaines, nous nous contentons de l’approximation du bruit ambiant : il y a BFM et CNEWS pour l’information ; pour la connaissance de la foi, il y a une catéchèse reçue dans l’enfance, discutée dans la cour d’école, qui ne connaît que rarement un prolongement convenant à l’âge adulte et une transmission familiale et sociale affaiblies pour ce qui est de la passassion de traditions habitées de leur sens spirituel. Le contenu de la foi est devenu un contenu librement défini, dans lequel il devient possible d’énoncer un certain nombre d’affirmations en réalité contradictoires, dont la première pourrait être “je crois en Jésus mais pas au dogme de l’Eglise”. Il faut s’interroger sur ce que signifie ce désaccord. Il est souvent lié à des sujets sociétaux : le préservatif dans les années 90, le mariage pour tous dans les années 2010, la question du célibat des prêtres ou l’ordination des femmes… Mais pas seulement. Il est aussi lié à une époque caractérisée par l’individualisme, qui empêche de concevoir la notion même de Salut de tous. Or, ce désaccord repose dans une grande majorité des cas sur d’une part une non connaissance et d’autre part une non compréhension des sujets évoqués.
Un ami m’a récemment parlé du Père François Varillon. Il m’indiquait que son livre d’entretien “Beauté du monde et souffrance des Hommes” avait pour lui constitué un retournement dans sa vie de foi, tant le témoignage rapporté y était honnêtement, simplement et humainement partagé, frappé d’expressions qui touchent la conscience. François Varillon (1905-1978), jésuite ancré dans le vingtième siècle, formé théologiquement à Lyon-Fourvière, résistant, est un conférencier de vocation. Il a animé, notamment engagé dans l’Action Catholique, des groupes de prière et de réflexion laïcs, notamment consacrés à l’analyse des situations politiques et économiques, et le regard chrétien à poser sur son temps. Il a entre autre très tôt produit des fiches de synthèse qu’il partageait au sein de ces groupes, qui chacune traite d’un point de dogme chrétien. Les éléments de doctrine chrétienne rassemble ces fiches.
Le livre aborde successivement
- la lecture chrétienne de l’Ancien Testament : Création, Patriarches, Egypte, 40 ans au désert, Terre Promise jusqu’aux Prophètes et met en évidence la préfiguration du Christ dans les Ecritures,
- le Nouveau Testament : approche chrétienne de la lecture des Evangiles, leur histoire, leurs différences, les paraboles essentielles, les Actes des Apôtres et Saint Paul et prend ainsi le lecteur par la main pour le guider dans l’intelligence du message de Jésus
- la vie chrétienne qui découle de l’intelligence des textes et des éléments de foi déterminés par l’Eglise au cours de l’Histoire, les sacrements, la Résurrection, l’Enfer, le Jugement
Cet ensemble est un condensé de ce qui fonde et fait l’espérance chrétienne, du Salut auquel elle aspire, et ce d’une façon jésuitiquement méthodique, culturellement riche, n’hésitant pas à pointer et démonter de façon commentée la faiblesse ou le faux syllogisme de telles ou telles croyances ou imageries populaires. François Varillon y exprime parfaitement l’idée que l’Eglise laisse bien évidemment une liberté très grande dans l’approfondissement, la méditation et la discussion de ce qui constitue les éléments de sa foi, dès lors que l’on admet et intègre le cadre dogmatique qui est le sien, car Révélation, Incarnation, Résurrection et Rédemption dont elle est le signe dans le Christ relèvent d’un projet divin, établi, préfiguré dans l’Ancien Testament, annoncé par les Prophètes, présenté par Jésus dans les Evangiles et poursuivi par la transmission apostolique. Précisément, la foi chrétienne est fondée sur des éléments objectifs du Salut, qui ne varient pas selon l’appréciation des individus, mais leur propose en toute Liberté de répondre à la question de l’adhésion à la Vérité de son projet, c’est-à-dire la participation à l’unité de l’Humanité dans le Christ. Le Christianisme, au même titre que le Judaïsme, est par excellence une religion de la responsabilité individuelle (ce qui suppose un choix librement consenti), mais dont la visée est un Salut collectif (car c’est tout Homme qui est créé à l’image de Dieu).
J’ai trouvé cette somme lumineuse, et pense qu’elle peut intéresser tant le lecteur croyant en quête d’éléments de compréhension de sa propre foi chrétienne, que le lecteur non croyant honnêtement intéressé à en connaître les contours. Cette lecture arrive en ce qui me concerne à un moment de mes interrogations et recherches personnelles où il est bon de rassembler, ordonner, défragmenter un empilement de référents, de connaissances variés et incomplets.
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[…] point de vue, il me semble que le fait de disposer d’un Théo ou d’un ouvrage tel que les éléments de doctrine chrétienne du Père François Varillon est sain pour construire une approche réfléchie de la vie […]