Ben-Gurion: father of modern Israel d’Anita Shapira
Des peuples ou de leurs dirigeants, qui fait l’Histoire ? Question épineuse, largement discutée dans les cercles de chercheurs en Histoire, différemment appréciée selon que l’on adopte un point de vue universitaire ou un point de vue citoyen : de quoi nourrir un débat infini ! Dans le cas de Ben-Gurion, la question se pose de façon singulière, tant l’énergie déployée par le père de l’Etat d’Israël et sa lecture politique affûtée des situations en fait un personnage incontournable de l’Histoire de son pays.
Livre synthétique que cette biographie de Ben-Gurion ! On fait la rencontre du jeune homme de Plonsk, en Pologne, où il naît en 1886, de son environnement social, traditionnaliste, qui tôt le porte à s’engager politiquement dans la mouvance sioniste. Arrivant de la deuxième Alyiah (1904-1914), caractérisé par des personnes principalement en provenance de Russie, fuyant les pogroms, le jeune David, découvre la vie dans la Palestine province Ottomane, soutient l’usage de l’hébreu, s’enthousiasme pour les paysages, en même temps qu’il fait l’expérience de la rudesse de l’installation sur place. Désireux de se tailler une place dans les enjeux politiques sionistes, il entreprend des études de droit à Istambul, misant sur la familiarité avec l’administration ottomane pour discuter avec elle.
Mais c’est au cours de la première guerre mondiale que les perspectives changent pour lui, et les sionistes de sa génération, qui comprennent que leurs alliés seront à présent à l’Ouest, qu’il s’agisse de la Grande-Bretagne en tant qu’administratrice mandataire et même déjà des Etats-Unis, ne serait-ce que par l’importance de sa population juive. Ben-Gurion participe alors à l’effort d’organisation du Yishouv en vue de fonctionner un jour comme un Etat à part entière. Il comprend très tôt la nécessité de trouver un accord politique avec les Arabes pour rendre possible l’émergence d’une souveraineté juive en Palestine. La Déclaration Balfour, si elle est porteuse d’espoir pour les sionistes, contribue à tendre les relations entre communautés sur place.
Dans ce contexte, Ben-Gurion comprend qu’il lui faut renforcer l’organisation pré-étatique, notamment en formant militairement la population juive. Au lendemain de la Déclaration d’Indépendance de l’Etat d’Israël en 1948, les armées arabes déclarent la guerre à Israël. Premier Premier Ministre d’Israël, pour Ben Gurion, la guerre d’Indépendance se révèle être un test de l’autorité de l’Etat, notamment d’imposition d’une discipline forte aux éléments militaires. La guerre est également un moment décisif pour l’avenir de la souveraineté juive : repousser les armées assaillantes, assurer une continuité territoriale, maintenir le lien avec Jérusalem, et suivant les zones, en profitant de la fuite des Arabes Palestiniens mais également en évacuant certaines localités de leurs populations palestiniennes, assurer une sécurité future par une domination démographique.
Artisan de l’indépendance et fondateur de l’Etat, Ben Gurion termine sa carrière politique en homme isolé, parfois caricature de lui-même. Son génie politique en a fait l’homme clé d’une décennie à cheval sur l’existence de l’Etat. Capable de prendre les décisions difficiles et déterminé à parvenir à la souveraineté, Ben-Gurion a maintenu un cap, incarnant à lui seul l’espoir de la population juive en péril, localement, en Europe et dans le monde arabo-musulman.
Commentaire
Anita Shapira propose une synthèse de grande qualité pour découvrir ce personnage clé de l’Indépendance d’Israël. Sa biographie est cependant très loin de l’hagiographie. Ben-Gurion a de nombreux travers. Colérique, impulsif, ne supportant pas qu’on lui résiste, irritable, incapable de communiquer normalement, absence de charisme, faible capacité d’expression écrite, ayant harcelé son père pour le financement de ses études et nombreux déplacements.
Ses qualités nombreuses sont plutôt à chercher du côté de l’homme de synthèse. A n’en pas douter, Ben-Gurion est à ranger dans la catégorie des hommes d’Etat intellectuels, curieux, collectionneur compulsif de livres, ayant recherché la connaissance de son Peuple et des autres, fin connaisseur de philosophie grecque en même temps que fasciné par le Boudhisme, soutien inconditionnel du développement de la recherche scientifique israélienne comme voie de rayonnement et de croissance économique.
On découvre également dans ce court livre ses références politiques : admiration sans borne pour la détermination de personnages tels que Lénine, Chruchill dans la deuxième guerre mondiale, de Gaulle. L’un des points remarquables de la biographie est de mettre en évidence le défi majeur du leader politique qu’il était, qui a du muer d’une position de chef de file socialiste lancé dans la bataille de la lutte des classes à rassemblement d’une population, voire d’un Peuple entier sur sa Terre, pour former une Nation.
Conclusion
Israël aurait-il vu le jour sans Ben-Gurion ? Sans doute. Les afflux de population juive en Palestine, problématique encore renforcée au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, ont très tôt suscité les tensions entre communautés et fait de leur séparation territoriale un thème politique dès les années 20, indépendamment de toutes actions de personnalité en particulier.
Ben-Gurion est dans ce contexte, la personne qu’il faut au bon moment. Il est celui qui est en capacité de faire la synthèse des forces, d’exploiter les opportunités avec un sens politique plus aigü que les autres et enfin, ne craint pas de prendre les décisions difficiles pour assoir l’autorité de l’Etat.
Il est selon l’expression de son ami et collaborateur jumeau Berl Katznelson “History’s gift to the Jewish people”.