Inside Moebius de Moebius
Toujours à l’écoute des recommandations de mon vendeur de bandes dessinées attitré, je me suis récemment offert l’édition intégrale d’Inside Moebius, qui vient de paraître chez Moebius Productions. Cette publication ravit les fans de l’auteur incontournable de la BD et ceci pour (au moins) deux raisons : premièrement, c’est d’une oeuvre véritablement originale dont il s’agit ; deuxièmement, les épisodes originaux et la précédente intégrale sont devenus des objets de collection, interdisant la découverte de l’oeuvre à ceux ne pouvant se l’offrir.
Inside Moebius est une série de six albums, publiés entre 2000 et 2010 (soit deux ans avant la mort de l’auteur). Moebius s’y met en scène aux côtés de certains des personnages qu’il a créés tels que Blueberry, le Major, Arzach, Malvina, et même, lui-même version 1982. L’ensemble de ses protagonistes évoluent dans son désert privé, le “Désert B”, territoire imaginaire qui lui appartient en propre, dont le nom est en réalité un jeu de nom indiquant l’abstinance de consommation d’herbes à fumer. Les personnages semblent errer d’un bout à l’autre du désert, sans but véritable, mais se livrant, avec le lecteur pour témoin, à un examen critique à leur qualité de personnage conscient de bande dessinée, et jouant ainsi avec les codes de leur medium, naturellement animé explicitement par le marionettiste qu’est leur dessinateur.
Les mises en abymes sont nombreuses. L’oeuvre ne va nulle part, mais le fait bien ! Elle ne manque d’ailleurs pas d’humour, voire même se joue de cette question et interroge sur ce qui fait que quelque chose est drôle en bande dessinée. Moebius cite d’ailleurs ses collègues créateurs contemporains, attribuant leur mérite à chacun.
A titre personnel, je pense qu’une partie des clins d’oeil et l’univers de Jean Giraud – l’autre Moebius – m’a échappé : je ne connais pas spécialement son oeuvre, que j’ai découverte tardivement avec la lecture de l’Incal, sa collaboration avec Alejandro Jodorowski. Néanmoins, c’est la réflexion sur le format, le support BD qui m’a intéressé ici, et ce côté quasi théâtral (d’ailleurs, le théâtre fait à un moment irruption comme clé de lecture de l’oeuvre) dans la façon d’interroger ses codes, ses personnages, leur rapport à l’actualité, au temps, à l’espace, à leur conscience, et donc in fine, aux dédoublements de personnalité de leur auteur qui donne à chacun une vie singulière.
Probablement pas fait pour tous les lecteurs, mais néanmoins une expérience de BD unique, qui montre magnifiquement le no limit de la création dessinée.